Biographie de Léon DAGOIS

(1886- après 1926)

L'itinéraire au fil de l'eau .. d'un jeune marinier rebelle du Berry

Version complétée le 1er décembre 2010

1. La naissance et la famille de Léon DAGOIS.

Léon DAGOIS est né le 10 janvier 1886 à 19h, à Montluçon dans l'Allier, sur un bateau (non dénommé) stationné au Pont de la Verrerie sur le canal du Berry. Ici commence son cahotique parcours de marinier. Ses parents avaient alors leur domicile à La Perche dans le Cher (18). Il a fallu 25 ans de recherches infructueuses avant de découvrir enfin, le 25 mai 2004, ses date et lieu de naissance. Sa naissance est déclarée par Sébastien DAGOIS, son père, et attestée par deux témoins : Gilbert MAILLET, journalier, âgé de 41 ans et demeurant à Montluçon; et Léon CHARBONNIER, marinier, âgé de 27 ans, demeurant à Vierzon. Ces deux témoins sont dits "amis du déclarant". Il est même probable que le second témoin ait donné son prénom à notre Léon DAGOIS (en serait-il le parrain ?).

Léon DAGOIS est donc bien, comme je l'avais pressenti, l'enfant légitime de Sébastien DAGOIS, marinier, âgé de 42 ans et d'Anne MOTRET/MAUTRET, marinière, âgée de 37 ans. Cette confirmation intervient donc après 25 ans de recherche intensive. Jusque là nous n'avions que des hypothèses liées à d'éventuels cousinages avec telle ou telle personne.

Léon DAGOIS est le petit-fils du côté paternel de Jean DAGOIS (1816-1893), propriétaire-vigneron à La Perche, et de AUPY Constance (1817-1867) et, du côté maternel, de MAUTRET Gilbert (1817->1863), journalier puis marinier, et de DELHOMME Marie (1819->1863), ces derniers résidant à Saint-Amand-Montrond (Cher).

Acte de naissance de Léon DAGOIS, 10 janvier 1886 à Montluçon (Allier)

Montluçon, le canal du Berry, bâtiment communal et quartier de la Verrerie.

Montluçon, Bassin du Canal et Pont de la Verrerie

 

Léon DAGOIS est le frère cadet de Louis (né en 1864 à la Perche), de Louis (né en 1867 à Neuilly-en-Dun), de Marie-Augustine dite Octavie (née en 1869 à La Perche), de Marie (née en 1872 à La Perche), d'Eugénie dite Célestine (née en 1875 à Charenton-du-Cher), de Constance (née en 1878 à La Perche), de Jean-Louis (né en 1881 à Neuilly-en-Dun), d'Auguste (né en 1883 à Cuffy). Son jeune frère, Martial, naîtra en 1891 (lieu inconnu).

Voir arbre de descendance de Jean DAGOIS et d'AUPY Constance

 

Lorsque les DAGOIS ne sont pas sur le canal du Berry, ils vivent dans le hameau des Reinats à la Perche.

Le canton de Saulzais-le-Potier et la commune de La Perche

 

La Perche (Cher), hameau des Reinats ("Les Renas"), carte de Cassini (18ème s.)

La Perche, vue générale

La Perche, vue générale

Eglise Saint-Jean (XIIIème siècle) à La Perche

Eglise Saint-Jean (XIIIème siècle) à La Perche

 

Mairie de la Perche

 

2. L'enfance et l'adolescence de Léon DAGOIS.

Lors du recensement de la population de La Perche de 1891, presque tous les enfants de Sébastien DAGOIS et d'Anne MAUTRET sont présents et notamment Célestine âgée de 15 ans, Jean-Louis âgé de 10 ans, Auguste âgé de 7 ans, Léon âgé de 5 ans et Martial âgé d'un mois. Nous n'avons pas d'information sur la présence ou non des aînés. A priori, les deux Louis DAGOIS, âgés de 27 et 24 ans, n'y seraient pas...

Le recensement de 1891 précise que "Jean" Sébastien DAGOIS (le grand-père de Léon) et Elisabeth MEURJAT, sa seconde épouse, possédent deux maisons à La Perche, l'une au bourg et la seconde aux Reinats.

La Perche, hameau des Reinats

La Perche, hameau des Reinats

La Perche, hameau des Reinats

La Perche, hameau des Reinats, ancienne gare SNCF La-Perche-Urçay

 

Le 28 janvier 1893, le grand-père de Léon, "Jean" Sébastien DAGOIS, propriétaire, journalier et vigneron, né en 1816 à Vesdun (Cher), époux d'Elisabeth MEURJAT, meurt à La Perche, âgé de 76 ans. Rien n'indique la présence de Léon aux funérailles de son grand-père mais il y assiste sûrement : il a 7 ans.

Le Mercredi 16 août 1893, son père, Sébastien DAGOIS, né en 1841 à Vesdun (Cher), meurt à La-Perche, âgé de 52 ans. Léon n'a que 7 ans lors de ce décès précoce et son petit-frère, Martial, moins de 2 ans. Auguste a juste 10 ans, Jean-Louis 12 et Constance 15. Anne MAUTRET se retrouve seule à élever de nombreux jeunes enfants. Heureusement ces trois filles aînées, âgées de 24, 21, et 17 ans, et ses deux plus grands fils, âgés de 29 et 26 ans, sont en âge de l'aider à s'occuper des plus jeunes.

Sébastien DAGOIS (1841-1893), marinier, père de Léon DAGOIS (sans doute, carte de naviguant)

 

Nous ne savons rien de la suite de l'enfance et de l'adolescence de Léon. Anne MAUTRET ne se remarie pas et élève seule ses enfants : aucun autre nom d'époux ne figurait sur la sépulture d'Anne MAUTRET (tombe relevée).

L'étude des "Recensements de population de La Perche" de 1901, 1906, 1911 et 1921 ne nous donne aucune indication supplémentaire sur la composition et la localisation de la famille à ces dates.

Le 24 juin 1893 à Sancoins (Cher), la sœur aînée de Léon, Marie-Augustine DAGOIS dite Octavie, née à La Perche en 1869, épouse Gilbert BLANCHARD né en 1866 à Sancoins. Aucun document ne nous dit si Léon DAGOIS était présent. Le couple habite en 1894 (lors de la naissance de leur fille Jeanne BLANCHARD), en 1898 (lors de la naissance de leur seconde fille Berthe BLANCHARD), en 1901 et en 1906 (les deux recensements de population) à Sancoins, dans le Cher, où Gilbert est ajusteur. La famille déménage ensuite aux Lilas (93 045) où elle vit au moins de 1924 à 1936 (elle n'y vivait pas encore en 1921, la Cité-Jardin n'étant pas encore construite). Marie-Augustine dite Octavie décéde en 1950 à la maison de retraite de Sartrouville (Yvelines).

Le 15 mai 1897 à La Perche (Cher), une autre sœur aînée de Léon, Eugénie dite Célestine DAGOIS, née à Charenton-du-Cher en 1875, épouse Gilbert BINON né en 1871 à Saint-Vitte (Cher). Aucun document ne nous dit si Léon DAGOIS était présent. Le couple est domicilié en 1897 à La Perche (Cher), en 1898 sur le canal du Berry à Mehun-sur-Yèvre (naissance de leur fille Léone Gilberte), en 1900 sur le canal du Berry à Villefranche-sur-Cher (Cher) (naissance de leur fils Kléber Léon), en 1902 à Saint-Satur (Cher) entre la Loire et le canal latéral à La Loire (naissance de leur fille Marcelle), en 1911 sur la Seine à Mantes-la-Jolie (78) (naissance de leur fils Marceau), en 1910 à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines, 78) mais leur bateau "L'Avenir" est immatriculé à Nancy (voir carte d'identité ci-après). Vers 1924-26, la famille vit à Couvrot (Marne) où Eugénie dite Célestine DAGOIS meurt en 1960.

Eugénie DAGOIS (1875-1960), marinière, soeur aînée de Léon DAGOIS

 

Le 21 janvier 1901, son frère aîné, Louis DAGOIS, né en 1867 à Neuilly-en-Dun, épouse Marguerite ROCHER, âgée de 31 ans, à Charenton-du-Cher (Cher). Louis DAGOIS exerce la profession de manoeuvre à la scierie de Charenton-du-Cher puis, avant 1930, il devient éclusier à l'écluse de la Laugère, dans cette commune, où il meurt en 1942. Léon est âgé d'environ 15 ans lors du mariage de son frère aîné. Rien n'indique sa présence ou celle de leur mère à la célébration.

En 1903, Constance DAGOIS, la soeur de Léon, encore célibataire et âgée de 25 ans, accouche à Nevers (Nièvre, 58) d'une petite Francine Constance DAGOIS qui deviendra religieuse à ND de la Providence à Varennes-Vauzelles dans la Nièvre.

Le 20 octobre 1906, son frère aîné, Jean-Louis DAGOIS, marinier, né en 1881 à Neuilly-en-Dun, épouse à Viry-Chatillon (Essonne, 91) une jeune femme de 20 ans, Marie-Louise Jeanne BÉZARD. La famille s'installe à Viry-Chatillon où naitront leur quatre enfants entre 1907 et 1914. Léon est âgé d'environ 20 ans lors de ce mariage. Rien n'indique sa présence à la célébration.

Les recensements de population de La Perche réalisés en 1906 et 1911 nous indiquent que seule Anne MAUTRET vivait encore aux Reinats ces années là. Ses enfants sont tous partis du foyer maternel.

En 1906 et 1911, il ne reste qu'un seul DAGOIS sur La Perche : Louis DAGOIS (1844-1915), oncle paternel de Léon DAGOIS.

Le 18 février 1911, son frère, Auguste DAGOIS, patron marinier, âgé de 27 ans, épouse à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine, 92), la jeune Alphonsine FRÉBAULT, âgée de 21 ans, originaire de Toucy dans l'Yonne (89). Rien n'indique la présence de Léon, âgé de 25 ans, à ce mariage. Il est seulement précisé que les deux conjoints demeurent sur leur péniche "la Frontière" basée principalement à Asnières et quelques temps auparavant à Rouen (Seine-Inférieure). Le couple aura deux enfants nés en 1909 et en 1911 à Paris et Montargis (Loiret, 45).

Auguste DAGOIS, marinier, (1883-1918), frère aîné de Léon DAGOIS

 

3. Léon DAGOIS devient marinier.

Léon DAGOIS devient marinier comme son grand-père (Gilbert MAUTRET), son père (Sébastien DAGOIS), deux de ses frères aînés (Jean-Louis et Auguste DAGOIS), deux de ses oncles (Louis DAGOIS et Eugène GEORGES) et sa soeur et son beau-frère (Eugénie dite Célestine DAGOIS et BINON Gilbert).

Pont sur le Cher, entre La Perche, les Reinats (Cher) et Urçay (Allier)

Le Cher, entre La Perche, les Reinats (Cher) et Urçay (Allier), au loin

Plan d'eau aménagé à La Perche, sur l'ancien emplacement du Canal du Berry où naviguait Léon DAGOIS et sa famille

 

Il exerce ce métier en 1907 lors de sa conscription militaire puis le 13 septembre 1916 à Petit-Couronne en Seine-Maritime (anciennement Seine-Inférieure, 76, Haute-Normandie), où est amarrée "sa" péniche au moment de la déclaration de naissance de son fils Pierre François DAGOIS.

Voir le site web officiel de Petit-Couronne présentant un historique de la ville.

Pendant la première guerre mondiale, la navigation fluviale sur la Seine était presque le seul moyen de ravitailler Paris, la capitale française. Les mariniers étaient souvent réquisitionnés par l'État pour assurer le ravitaillement de la capitale. C'est peut-être ce qui explique la présence sur la Seine de Léon DAGOIS en 1916. C'est en tout cas ce qui s'est passé pour Jean-Louis DAGOIS, frère de Léon, qui a été "mis à disposition du Service de navigation de la Seine" par l'armée de 1916 à 1919.

Barges sur le canal du Berry près de Montluçon au début du 20ème siècle

Péniches sur la Seine à Paris au milieu du 20ème siècle

 

De même, dans l'avenir, on retrouvera toujours Léon DAGOIS près d'un cours d'eau navigable : en 1915 à Pouilly-en-Auxois (Côte-d'Or, 21) où passe le canal de Bourgogne ou après 1922 à Saint-Julien-du-Sault (Yonne, 89) et Armeau en 1926 où coule l'Yonne.

 

4. Les aléas militaires de Léon DAGOIS.

Léon DAGOIS est dit résidant à La Perche (18178) lors de sa conscription militaire et exerce alors la profession de marinier en 1907. Il a le numéro 3 au tirage dans le canton de Saulzais. De la classe 1906, il effectue son service militaire du 7 octobre 1907 au 25 septembre 1909 à Cosne-Cours-sur-Loire dans la Nièvre (58). Il a 21-22 ans. Il est enrôlé au 85ème régiment d'infanterie de ligne de Cosne sous le matricule n° 1797. Le Conseil de Révision le classe dans la "première partie de la liste de 1907" et le déclare "Bon pour le Service armé" (sur sa fiche matriculaire il est noté "bon absent" : quel est le sens de cette expression ?). Léon DAGOIS est mis en route le 7 octobre 1907 et arrive au corps le 7 octobre 1907. Il est envoyé en congé le 25 septembre 1909 en attendant son passage dans la Réserve. Un "certificat de bonne conduite" lui est accordé.

 

Sa fiche matriculaire militaire nous donne de précieuses indications sur les caractéristiques physiques de Léon DAGOIS. Ses cheveux et sourcils sont châtains. Il a les yeux gris et le front couvert. Son nez est rectiligne, sa bouche moyenne et son menton rond. Son visage est ovale. Il mesure 1m66, soit 1 cm de moins que son fils Pierre et 4 cm de plus que son frère Jean-Louis. Malheureusement la case correspondant à son degré d'instruction n'est pas remplie.

 

La caserne où séjourne le 85ème Régiment d'Infanterie de ligne est achevée depuis 1876, et Cosne-sur-Loire est demeurée une ville de garnison jusqu'en 1939. Pendant la première guerre mondiale le 85ème R.I. mènera un certain nombre de campagnes mais Léon DAGOIS n'est pas vraiment "concerné" puisqu'il n'y séjourne qu'entre 1907 et 1909.

Opérations de la Première Armée en 1914 : Domèvre - Bataille de Sarrebourg (20 août) - Victoires de Lorraine : La Mortagne (mi- sept) - Bataille de la Woëvre et des Hauts-de-Meuse : Apremont (26-28 septembre) , Bois d'Ailly (fin sept.) - 1915 Opérations d'avril en Woëvre : Saint-Mihiel - 1916 Bataille de Verdun : Secteur de Tavannes (16 juillet) Tunnel de Tavannes - 1917 Offensive du 16 avril Offensive de Champagne Bois de la Grille - 1918 Champagne (juillet) , Main-de-Massiges (fin sept) - La Vesle, Hundling-Stellung. (Source : http://perso.wanadoo.fr/chtimiste/ )

En novembre 1911, Léon DAGOIS est "déclaré insoumis" par les militaires ayant "manqué la convocation du premier Appel du 18 septembre 1911" dans l'armée de réserve. Il est alors "recherché et arrêté par la Police de la Seine à Paris le 14 juin 1913". Il s'explique alors sur son état de santé et est déclaré "Réformé de l'armée de réserve" le 27 juin 1913 par la 6ème Commission spéciale de la Réforme de la Seine pour "fracture de la rotule gauche non consolidée; déformation du genou; les mouvements ne se font que par l'action des ailerons". Comme il était apte au Service militaire entre 1907 et 1909, nous supposons qu'un accident lui est arrivé entre 1909 et 1913. C'est certainement pour cela que Léon boitait comme s'en souviendra 60 ans plus tard son fils. Il est déclaré sur sa fiche de matricule militaire dressée en décembre 1922 qu'il "a bénéficié de la loi d'amnistie militaire du 1er août 1913".

Toutefois bien que "réformé" Léon DAGOIS n'en est pas moins puni pour ne s'être pas présenté à sa convocation militaire de 1911. Il est condamné par le Tribunal correctionnel de Beaune (Cote d'Or) "par jugement" par défaut à 15 jours de prison le 13 novembre 1913 pour : "abus de confiance".

Lorsque débute la Première guerre mondiale, Léon DAGOIS ne se présente encore pas, le 9 septembre 1914, à une convocation militaire spécifique à certaines catégories de réformés. De nouveau recherché par la police, il est découvert le 1er septembre 1915 par les services de police de Pouilly-en-Auxois en Côte d'Or (21), commune située le long du Canal de Bourgogne où il exerce peut-être alors son métier de marinier. Il est "affecté et convoqué immédiatement et sans délai" le 2 septembre 1915 au 10ème régiment d'infanterie de ligne d'Auxonne (21038). Il arrive au corps le 4 septembre 1915. Sa fiche matriculaire indique qu'il s'est "battu contre l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie en guerre" du 5 septembre au 24 septembre 1915 dans le 10ème Régiment d'Infanterie.

Casernement d'Auxonne pendant la Première guerre mondiale : 1914 : Les victoires de Lorraine : Bataille de Sarrebourg (18 au 20 août ) - Bataille de la Woëvre : Saint Mihiel (26-28 septembre) - 1915 : Opérations d'avril en Woëvre : Saint-Mihiel - Bataille de Champagne : Butte de Tahure (25 sept.) - 1916 : Bataille de Verdun - 1918 : Butte du Mesnil .Attaque vers l'Oise: Fontaine-Notre-Dame, Aisonville, Bernoville, Tupigny. (source : http://perso.wanadoo.fr/chtimiste/ )

Léon DAGOIS est "réformé de l'armée de réserve" le 24 septembre 1915 à Auxonne par la Commission n°2 de réforme d'Auxonne pour : "Fracture de la rotule et écartement du fragment". Il conserve donc d'importantes séquelles de son accident... Il ne participera donc pas à la bataille de la Butte de Tahure qui se déroulera le lendemain, 25 septembre 1915, en Champagne.

Après son Service militaire, il est dit que Léon DAGOIS se retire en 1915 à La-Perche dans le Cher.

 

5. Léon DAGOIS et Marie-Philiberte GOYARD ont un fils.

En septembre 1916 à Petit-Couronne, Léon DAGOIS vit en concubinage notoire, sur la péniche " Marne ", avec la jeune Marie-Philiberte GOYARD, âgée de seulement 22 ans. Elle est pourtant déjà mère de deux enfants naturels âgés de moins de 6 ans, Henriette et Albert GOYARD (qui seront légitimés BILLOT en 1923, lors du mariage de leur mère avec Jules BILLOT).

Marie-Philiberte GOYARD (1894-1967) vers 1938

Marie-Philiberte GOYARD vers 1957 à Corbeil (91), rue des Caillettes.

 

Le mercredi 13 septembre 1916, à une heure du matin, Marie-Philiberte GOYARD met au monde leur fils, "Pierre" François DAGOIS, sur la péniche "Marne" amarrée à Petit-Couronne sur les berges de la Seine. A 16 heures, Léon DAGOIS, accompagné de deux témoins : Jules DUVINAGE, 42 ans, marinier sur le bateau "France" et François GAUDRY, 23 ans, marinier sur la "Revanche", vont déclarer, avec le père de l'enfant, la naissance du petit Pierre François en mairie de petit-Couronne. Léon DAGOIS se dit marinier et âgé de 30 ans. Il signe même l'acte de naissance de son fils, mais d'une main hésitante.

Copie de l'acte de naissance de Pierre François DAGOIS, né le 13 septembre 1916 à Petit-Couronne (76), fils de Léon DAGOIS et de Marie-Philiberte GOYARD

 

Il est à noter que l'extrait du registre des actes de naissance de Pierre François DAGOIS indique que Léon DAGOIS est marié à Marie Philiberte GOYARD. Mais un employé de l'état civil a souligné d'un trait énergique l'expression " son épouse " comme s'il doutait de cette déclaration. Sur l'acte original de naissance, la mention "son épouse" est également indiquée mais elle n'est pas soulignée. Aucun document ne nous indique que Marie Philiberte GOYARD et Léon DAGOIS se soient mariés, bien au contraire … (Marie-Philiberte sera mariée 3 fois, en 1923, 1936 et 1949, divorcée une fois en 1930 et veuve deux fois après 1936 : aucun des nombreux actes découverts relatifs à ces mariages ne fait état d'un précédent mariage avec Léon DAGOIS).

Entre septembre 1916 et 1920 environ, Léon DAGOIS, Pierre François DAGOIS, Marie-Philiberte GOYARD, et peut-être Henriette GOYARD et Albert GOYARD, naviguaient ensemble sur la péniche " La Bonne Nouvelle " sur la Seine (source : Pierre François DAGOIS).

D'après une descendante d'Henriette GOYARD ayant reçu confidences de son aïeule, Léon DAGOIS buvait beaucoup et était violent. C'est ce qui aurait poussé Marie-Philiberte GOYARD a s'enfuir, un beau jour, emmenant avec elle ses deux aînés, Henriette GOYARD et Albert GOYARD, dont Léon DAGOIS n'était pas le père. Elle sera, par contre, " obligée " d'abandonner son fils cadet, Pierre François DAGOIS, à son "compagnon".

Cette information sur l'alcoolisme de Léon DAGOIS sera confirmée par Pierre François DAGOIS, son fils, qui se rappelle qu'une nuit, dans son enfance, son père était ivre dans la rue. Le père et le fils avaient été " ramassés " par la Police et avaient, tous deux, fini la nuit au poste de Police.

 

6. Léon DAGOIS abandonne son fils.

A l'âge de 3-4 ans (très approximativement), vers 1919-1920, Pierre François DAGOIS est placé dans une institution protestante fondée par Paul PASSY, " Le Nid de Liéfra ", situé aux Fosses, commune de Saint-Usage, canton d'Essoyes, arrondissement de Bar-sur-Seine, département de l'Aube.

Carte de cassini (17ème siècle) : hameau des Fosses, commune de Saint-Usage

 

Carte postale ancienne double : Le Nid de Liéfra

Cet orphelinat fait parti d'une société privée dénommée Liéfra (LIÉFRA = LIberté-Égalité-FRAternité). Il s'agit d'une colonie agricole basée sur les principes du collectivisme et du socialisme chrétien (protestant) dont les thèses sont reprises dans les années 2000 par les mouvements anarchistes. Elle accueillait à la fois une vingtaine d'enfants de tous âges dont les parents ne pouvaient pas s'occuper. Ces enfants, une centaine au total en 10-12 ans de fonctionnement, étaient des enfants victimes de la guerre (peu nombreux), des enfants abandonnés ou des enfants de prisonniers (de droit commun). Ils étaient élevés selon des principes évangélistes. On leur enseignait l'écriture phonétique et les travaux des champs.

Le "Nid de Liéfra" a été remplacé en 1932 par une colonie de vacances "Le Nid Fleuri".

 

Qui a vraiment placé l'enfant dans cet orphelinat situé à quelques kilomètres seulement de Juvancourt, commune de naissance de sa mère, Marie-Philiberte GOYARD ? Son père qui voulait assurer la scolarité de son fils et/ou ne pouvait plus s'en occuper ? L'Armée du Salut (source : souvenirs d'enfance de Pierre François DAGOIS) ? Il ne s'agit, en tout cas, pas de Marie-Philiberte GOYARD qui a perdu tout contact avec son fils et Léon DAGOIS dès sa fuite.

Pierre François DAGOIS ne retrouvera sa soeur, Henriette GOYARD légitimée BILLOT, puis sa mère, qu'après une " Recherche dans l'intérêt des familles " vers 1935-36. Des recherches effectuées par nos soins auprès des services de l'" Aide Sociale à l'Enfance " de l'Aube, ont révélé que le placement de l'enfant n'avait pas été ordonné par la justice. Pierre François DAGOIS, par cette recherche dans l'intérêt des familles, retrouvera également sa cousine germaine Augustine DAGOIS dite Nénette en décembre 1937, fille de son oncle paternel, Auguste DAGOIS.

Il est par ailleurs à noter que " Le Nid de Liéfra " n'était pas un orphelinat d'état mais une institution privée. Pierre François DAGOIS n'a jamais eu de dossier à la DDASS (actuellement "Aide sociale à l'Enfance"). Il n'était pas non plus " orphelin de la nation " ou "pupille de l'état" ce qui se serait irrémédiablement produit si Léon DAGOIS était décédé "Mort pour la France" pendant la première guerre mondiale. Une recherche sur la base du Ministère de la défense "SGA - Mémoire des Hommes", nous confirme que ce n'est pas le cas.

Après son placement vers 1919-1920, Pierre François DAGOIS ne reverra plus jamais son père, Léon DAGOIS, mais "une personne" a un jour envoyé de l'argent pour que l'enfant soit photographié… Arrivé à un âge qui ne lui permettait plus de demeurer à l'orphelinat, Pierre François DAGOIS a ensuite été placé comme manoeuvre agricole dans de nombreuses fermes de l'Ardêche et de la Drôme dès l'âge de 14-16 ans.

Pierre François DAGOIS, fils de Léon DAGOIS, vers 1920 à l'orphelinat "Le Nid de Liéfra" (Aube)

(Voir portrait rapproché)

 

7. Léon DAGOIS après 1920.

Que devient Léon DAGOIS après 1920, nous ne le savons pas vraiment et aimerions le découvrir.

En 1921, une des soeurs aînées de Léon, Constance DAGOIS, âgée de 42 ans, épouse à Nevers, dans la Nièvre, Raoul Charles Joseph FOUCHER. Le couple habite alors vers 1925 à Sanvic, commune rattachée au Havre (Seine-Maritime) en 1955. Constance décède en 1966 au Havre, âgée de 87 ans. Rien ne nous indique la présence ou l'absence de Léon DAGOIS lors du mariage ou du décès de sa sœur. La commune du Havre nous interpelle malgré tout car elle est relativement proche de Petit-Couronne où Léon avait déclaré la naissance de son fils. Nous aimerions avoir accès aux recensements de populations de ce secteur pour les années 1911 et 1921.

Pierre François DAGOIS a, au cours de sa jeunesse, des contacts avec la famille de son père. Il fréquente régulièrement sa cousine germaine, Augustine DAGOIS, fille de son oncle Auguste DAGOIS, patron marinier, mort pendant la première guerre mondiale. Il connaît également l'existence de son oncle Jean-Louis DAGOIS de Soignolles, et de deux tantes, l'une avocate (non confirmé par document), l'autre professeur (non confirmé par document) à Paris, Porte des Lilas (était-ce Marie-Augustine dite Octavie qui vivait dans la commune des Lilas ?). Mais il décède à Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) en 1987 sans nous avoir expliqué, dans le détail, toutes ces rencontres. Il nous a cependant toujours dit n'avoir jamais revu son père ... Sa mère, Marie-Philiberte GOYARD, n'a jamais souhaité lui parler de son père.

Pierre François DAGOIS, fils de Léon DAGOIS, vers 1940

 

Nous avons effectué de nombreuses demandes d'informations auprès des Archives de la Batellerie à Conflans-Sainte-Honorine ou du Port autonome de Rouen. Mais nous n'avons rien trouvé.

Pendant plusieurs années de recherches, nous avons même tenté une piste qui s'est révélée erronée avec l'existence d'un Léon DAGOIS, marinier sur la péniche "L'Indifférente", né en 1887 à Montceaux-les-Mines (Saône-et-Loire) sur le canal du Centre et décédé en 1975 à Vitry-le-François (Marne). Mais il était, selon son acte de naissance, fils de Charles DAGOIS, marinier, propriétaire de "L'Indifférente", et de CIBOULET Victoire. Son fils, Raoul DAGOIS, né en 1926 et domicilié en 1990 à Vitry-le-François, a même été contacté en 1990. Il s'agissait d'une toute autre famille.

Lorsque nous avons obtenu des Archives municipales de Montluçon (en août 2004) l'acte de naissance de Léon DAGOIS, nous avons malheureusement constaté qu'aucune mention marginale de mariage ou de décès n'y figurait. Nous ne savons donc pas s'il s'est marié ni, éventuellement, avec qui ? Nous ne confirmons donc pas son éventuel mariage avec Marie Philiberte GOYARD, la mère de son fils Pierre François DAGOIS. Nous n'apprenons enfin pas où et quand il est décédé.

A une date indéterminée mais certainement postérieure à la rédaction de la fiche matriculaire militaire de Léon DAGOIS en décembre 1922 (puisque cette mention a été ajoutée au crayon d'une toute autre écriture que celle de rédaction de la dite fiche), Léon est dit résidant à Saint-Julien-du-Sault dans l'Yonne (89). Cette commune est située sur la rivière Yonne entre les villes de Joigny et de Villeneuve-sur-L'Yonne. Léon DAGOIS s'est-il installé dans cette commune dans les années 1920-1930 ? S'y est-il marié ? Y-a-t-il eu des enfants ? Y est-il décédé ? D. D. (merci mille fois), une bénévole pour l'entraide généalogique, nous a recherché, en septembre 2004, la trace de notre Léon DAGOIS dans les recensements de population de St-Julien-du-Sault pour les années 1921, 1926 et 1931, aux Archives départementales de l'Yonne à Auxerre (89). En vain, malheureusement ! Il n'y figure pas ! Toutefois cela ne signifie pas qu'il ne vivait pas dans cette commune. Peut-être y habitait-il sur un bateau. Les mariniers vivant sur un bateau ne sont en effet jamais répertoriés dans les recensements de population. Seuls ceux ayant un domicile fixe en ville le sont.

St-Julien-du-Sault- (Yonne)

Source des images : Site sur Cheny http://www.cheny.net/st_julien.html

(D'après : Locom France)

 

La fiche matriculaire militaire de Léon DAGOIS précise également que son livret militaire a été dupliqué le 13 septembre 1923. Etait-il encore en vie à cette date ? C'est fort probable sinon quel serait l'intérêt de faire dupliquer son livret militaire.

Une des dernières pistes que nous ayons à ce jour, Léon DAGOIS est dit "Réhabilité de droit" (suite à sa condamnation à 15 jours de prison en 1913 ?) le 29 novembre 1924 par le Parquet (donc le Tribunal) de Montluçon dans l'Allier (03185). Léon était donc certainement encore en vie à cette date. Pourquoi le Tribunal de Montluçon ? Sa réhabilitation s'est-elle faite dans sa commune de naissance ou dans la commune où il résidait en 1924 ? En septembre 2004, le Parquet de Montluçon a recherché la trace de ce jugement et n'a rien trouvé dans ses archives. Une étude des recensements de population de Montluçon en 1921, 1926, 1931 et 1936 nous ouvrirait peut-être également de nouvelles pistes...

Définition Réhabilitation de droit: cette mesure a pour objet de rendre à un individu la capacité légale qu'il a perdu à la suite d'une juste condamnation. Elle tend à favoriser la réinsertion du condamné ainsi que son amendement. Elle s'applique à toutes sortes de condamnés et à toutes les condamnations pour crime, délit ou contravention. Pour en bénéficier de cette procédure judiciaire, le condamné doit satisfaire à trois conditions : l'exécution de la peine, un délai d'épreuve et une bonne conduite. Elle s'applique à toutes les condamnations antérieures et nul ne peut plus en faire état. Les peines antérieures sont effacées et ne comptent plus pour la récidive. La mention est faite sur le casier et les bulletins 2 et 3 ne doivent plus en faire état. La réhabilitation n'efface donc une condamnation qu'après son exécution. Cet acte de clémence permet d'atténuer la portée de fait généralement peu graves, de tenir compte de la personnalité de certains condamnés ou encore d'aborder sereinement une ère politique nouvelle. Sans remettre en cause l'autorité de la chose jugée, cette mesure légale offre des avantages certains sur le plan de la réinsertion des justiciables et des condamnés. Elle n'annule pas les effets déjà acquis: perte d'une fonction, décoration...

(Source : http://perso.club-internet.fr/didier.simeoni/page388.htm)

 

Le 2 novembre 1924, Anne MAUTRET, la mère de Léon DAGOIS, meurt dans la commune des Lilas en Seine-Saint-Denis, âgée de 78 ans. Elle vivait alors chez sa fille Marie Augustine dite Octavie DAGOIS épouse BLANCHARD. Elle est inhumée à St-Amand-Montrond (Cher). Léon a 38 ans lors du décès de sa mère. Rien ne nous indique sa présence à ses obsèques. Les date et lieu de décès d'Anne MAUTRET n'ont été identifié qu'en 2008 lors d'une recherche successorale d'un de ses descendants mort sans postérité. La déclaration de succession d'Anne MAUTRET, a été enregistrée le 27 décembre 1926 à Saulzais-le-Potier (Cher) chez Me AUTISSIER. Un état liquidatif de succession fait par un juge du Tribunal civil de Saint-Amand-Montrond dans le cadre de cette déclaration de succession indique la présence de 8 enfants encore en vie fin 1926. Tous les enfants d'Anne MAUTRET sont cités en dehors de Louis DAGOIS né en 1864 et de Martial DAGOIS né en 1891. Il est probable que ces deux enfants ont du décéder en bas âge, dans une commune au fil de l'eau, le premier avant 1893.

Notre Léon DAGOIS est donc bien mentionné et déclaré encore en vie le 27 décembre 1926. Il est dit habitant dans la commune d'Armeau dans l'Yonne. Armeau (449 habitant en 1926) est situé en rive droite de l'Yonne, près de Joigny, à quelques kilomètres de Saint-Julien-du-Sault (en rive gauche) où Léon vivait en 1922. En 2009, un bénévole Daniel H. (que je remercie beaucoup) a recherché la présence de Léon DAGOIS dans les recensements de population d'Armeau de 1926 et 1936. En vain ! Néanmoins ce monsieur me précise qu'il existe des archives de reçus de taxes payées dans les ports, mais non accessibles car pas encore classées, aux Archives de l'Yonne. Un autre bénévole, Francis C. (que je remercie également) me conseille, en juin 2010, de rechercher plutôt vers Villevallier, où l'on trouve de nombreux mariniers. (Avis aux bénévoles qui accèdent aux recensements de l'Yonne).

Nos investigations, qui durent depuis 1875, se poursuivent donc...

(Enigme généalogique à suivre...)


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Corinne Durand

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