Marie-Philiberte GOYARD (1894-1967), le destin hors du commun d'une jeune marinière de l'Aube
Version du 01/12/2003

Chapitres 3 et 4

 

 

3. Les deux premiers enfants de Marie-Philiberte GOYARD (1910-1914).

Après le décès de son père, nous supposons que Marie Philiberte GOYARD, sa mère et sa soeur cadette, Henriette Marcelle GOYARD s'installent dans la commune de Troyes dans l'Aube.

Le lundi 24 octobre 1910, Marie-Philiberte accouche, à Troyes, dans les Hospices situés au n°2 de la rue de la Cité, de sa première fille naturelle, née de père inconnu, " Henriette GOYARD ". Marie-Philiberte GOYARD a seulement 16 ans lors de la naissance de sa fille. A cette date, elle est dite demeurant à Troyes au 19 rue de la Petite-Tannerie. Elle exerce la profession de retrousseuse, profession que l'on trouve couramment dans la ganterie et qui consiste à repousser les peaux de cuirs pour en faire des gants. Du père de l'enfant, nous ne savons rien.

Comme sa mère, Louise Jeanne PASQUIER, est dite résidente à Troyes en 1912 (lors du mariage de Jean-Baptiste GOYARD à Tarare (69) avec MERCIER Jeanne Joséphine) et en 1913 (lors de son mariage en secondes noces avec SIMONET Philibert), il est fort probable que Marie-Philiberte demeurait à cette même adresse avec sa mère et sa soeur cadette dans les années 1910-1913.

Le mardi 29 décembre 1914 à dix heures du soir, Marie-Philiberte accouche " au bateau " (non dénommé) stationné au hameau de Charrey - Canal de Bourgogne, commune de Marolles-sous-Lignières dans l'Aube (10), de son fils naturel " Albert " Fernand GOYARD, né également de père inconnu. Marie-Philiberte GOYARD a 20 ans. Du père de l'enfant, nous ne savons absolument rien. L'un des prénoms de l'enfant a-t-il une relation avec le père ? Nous ne le savons pas. Marie-Philiberte est dite sans profession et " sans domicile fixe ". Cette élocution ne signifie pas la même chose que de nos jours. En réalité, à cette époque, de nombreux mariniers qui vivaient à l'année sur leur bateau, sans avoir quelque part un domicile stable, étaient notés " sans domicile fixe ".

La naissance du garçon est attestée par Clémence ROYER veuve France, sans profession, âgée de 79 ans, demeurant à Charrey, qui a assisté à l'accouchement. Témoignent : Benjamin LEBLANC, garde-champêtre demeurant à Marolles-sous-Lignières ; et Thomas Gustave Emile CHANDELLIER, instituteur demeurant à Marolles sous Lignières. Tous les trois signent. L'enfant est présenté mais la mère n'est pas là.

Marie-Philiberte est mère célibataire mais nous ne savons pas si elle élève seule ou non ses deux enfants, si elle les place quelque part et chez qui, ni où...

 

4. Marie-Philiberte GOYARD, marinière, vit avec Léon DAGOIS (1916).

En septembre 1916, à Petit-Couronne, Seine Maritime (à l'époque Seine-inférieure, 76), Marie-Philiberte GOYARD vit en concubinage notoire avec Léon DAGOIS, un marinier de 30 ans originaire du Cher (18). Elle exerce également la profession de marinière sur la péniche " Marne " qui navigue sur la Seine. Elle demeure et accouche sur sa péniche, le 13 septembre 1916, à une heure du matin, de son fils "Pierre" François DAGOIS (mon grand-père). "Marie-Philiberte" GOYARD a 22 ans.
Toute sa vie, Marie-Philiberte GOYARD gardera intact son désir de vivre à proximité des grands cours d'eau, de l'Aube tout d'abord dans son enfance et son adolescence, de la Seine ensuite en 1916 à Petit-Couronne (76), en 1923 à Champagne-sur-Seine (77) puis, après 1936, à Corbeil-Essonnes (91).
Il est à noter que l'acte de naissance de Pierre François DAGOIS indique que Marie Philiberte GOYARD est mariée à Léon DAGOIS. Mais un employé de l'état civil a souligné d'un trait énergique l'expression " son épouse " sur la retranscription de l'acte de naissance comme s'il doutait de cette déclaration. Par contre, sur l'original de cet acte de naissance obtenu après 20 ans de recherche à la mairie de Petit-Couronne, l'expression " son épouse " n'est absolument pas soulignée. Aucun document ne nous indique par ailleurs que Marie Philiberte GOYARD et Léon DAGOIS se soient mariés un jour, bien au contraire … (Marie-Philiberte sera mariée 3 fois, divorcée une fois et veuve deux fois ; aucun des nombreux actes découverts relatifs à ces mariages ou décès ne fait état d'un précédent mariage avec notre fameux Léon DAGOIS).
A 16 heures le même jour, 13 septembre 1916, Jules DUVINAGE, 42 ans, marinier sur le bateau "France" et François GAUDRY, 23 ans, marinier sur "La Revanche", vont témoigner de la naissance de Pierre François DAGOIS en mairie de Petit-Couronne. Léon DAGOIS (dit marinier et âgé de 30 ans sur cet acte) se rend lui-même en mairie de Petit-Couronne pour déclarer la naissance de son fils et signe l'acte de naissance.

Entre 1916 et 1920 environ (dates très approximatives), Pierre François DAGOIS vit sur la péniche " La Bonne Nouvelle ". Vit-il avec ses deux parents ou juste avec son père ? Nous ne le savons pas. Les deux premiers enfants de Marie-Philiberte vivent-ils avec eux ou sont-ils placés dans un internat ou dans de la famille ? Nous imaginons que la vie ne devait pas être facile à bord d'une péniche avec trois enfants en bas âge …

Léon DAGOIS buvait, paraît-il, beaucoup et était violent. Un jour, ne supportant plus de subir la violence conjugale, Marie-Philiberte GOYARD prend ses deux aînés, et s'enfuit. Elle abandonne à son conjoint son dernier fils, Pierre François DAGOIS.

Entre 1916 et 1920, nous perdons la trace de Léon DAGOIS. Le fils cadet, Pierre François DAGOIS, est placé dans un orphelinat dans l'Aube à une date non déterminée. Nous ne savons pas qui a placé l'enfant dans cette institution mais il s'agit certainement de Léon DAGOIS, ou, comme semble se souvenir l'enfant, de l'Armée du salut. Il ne s'agit pas de Marie-Philiberte, elle-même, qui a perdu toute trace de son fils et ne le retrouvera que beaucoup plus tard lorsqu'il aura une vingtaine d'années.
L'orphelinat, dénommé " Le Nid de Liéfra (LIÉFRA = LIberté-Égalité-FRAternité), " est une institution protestante privée fondée par Paul PASSY, un linguiste professeur à la Sorbonne et auteur de manuels de langage phonétique. Il fait parti d'une société privée, appelée " colonie agricole de Liéfra ", basée sur les principes du " socialisme chrétien " et du " collectivisme ". Il est situé aux Fosses, commune de Fontette dans l'Aube (10), à quelques kilomètres seulement de Juvancourt, commune de naissance de Marie-Philiberte GOYARD. Des recherches effectuées par nos soins auprès des services de l'" Aide Sociale à l'Enfance " de l'Aube, ont révélé que le placement de l'enfant n'avait pas été ordonné par la justice.
Par ailleurs " Le Nid de Liéfra " n'est pas un orphelinat d'état mais une institution privée qui abritait une vingtaine d'enfants dont la plupart avaient toujours des parents qui ne pouvaient pas les élever. Pierre François DAGOIS n'a jamais eu de dossier à la DDASS. Il n'est pas non plus "orphelin de la nation " ou " pupille de l'état ". Nous ne savons pas, hélas, où sont stockées les archives de cette institution dont l'" Aide Sociale à l'Enfance " de l'Aube n'a jamais entendu parler. Après son placement vers 1919-1920, Pierre François DAGOIS ne reverra plus jamais son père. Ce dernier n'est pas déclaré "Mort pour la France" 'source : Ministère de la Défense). Une personne a un jour envoyé de l'argent pour que l'enfant soit photographié… Il avait environ 3-4 ans ! Arrivé en âge de travailler et la société Liéfra étant en liquidation, Pierre François DAGOIS a été placé comme manœuvre agricole dans de nombreuses fermes de l'Ardèche et de la Drôme dès l'âge de 14 ans. Pendant toute cette période, il n'aura pas de nouvelles de sa mère.

 


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Corinne Durand

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